Lovetape est le fruit d'une collaboration entre deux cinéastes et amis : Georgia Azoulay, réalisatrice et Alexandre Cambron, directeur de la photographie.
Ensemble, ils partagent le désir d'un cinéma de l'intime aux confins de l'érotisme et de la pornographie. Après plusieurs films destinés aux salles de cinéma s'est dessinée l'envie de proposer une forme nouvelle et plus intime, s'adressant directement à des particuliers, amoureux et curieux. Des films de fesses qu'on se passe sous le manteau et qui se regardent à deux. Libre aux amoureux ensuite de partager leur tape !
Pendant le Covid, alors que tout était à l'arrêt, nous avons eu accès à un hôtel dont les chambres ne pouvaient être louées. Spontanément, nous décidons d'y organiser un tournage, le plus minimaliste possible dans sa production comme dans son écriture : J'ai Rêvé à d'infinis mouvements est un film de 50 minutes en plan séquence et cadre fixe. Sur le lit d'une chambre d'hôtel, un homme et une femme sont aux prises avec le désespoir amoureux d'une dernière étreinte érotique avant leur séparation.
Georgia : Je voulais voir la boucle tragique et ardente de deux corps à leur point de rupture. L'étreinte se répète encore et encore et encore, elle enfle, brûle, se dégrade, s'éteint puis recommence.... Sur ce film s'est précisé une chose, la conscience que ce jeu du ressort amoureux ne peut se déployer que dans le temps long. A partir de là, le temps réel, le cadre fixe et (quasi) unique apparaissaient comme les conditions de possibilité de ces films plus confidentiels.
Infinis mouvements reçoit la Mention spéciale du Jury au Festival Côté Court 2021. Dans le même élan s'engagent deux autres films.
Les Messageries. Une femme seule dans sa cuisine prépare le repas et s'abandonne progressivement à une masturbation.
Solène, la nuit. Une rencontre érotique et nocturne entre deux inconnues.
Au terme de ces trois films demeure une frustration, Georgia ne parvient pas à obtenir le rapport amoureux, le vrai ! le rouge au joues, le débordement... le sexe non simulé. Peut-être parce que jusque là nous ne travaillions qu'avec des ami.es comédien.ne.s ? Peut-être par forme de pudeur aussi. Il nous tenait à cœur de saisir toute la fébrilité, si belle !, d'un couple d'amoureux.ses véritables. Se pose alors la question du documentaire. Après tout, pourquoi pas. Partir sur les routes à deux et documenter l'intimité amoureuse des gens. Mais non, il manquait le plaisir du jeu cinématographique, le plaisir de la direction d'acteurs, de la mise en scène...
Georgia : J'ai toujours eu une chose avec les aimants. Les corps et les aimants. Les corps qui s'aiment et qui s'aimantent. Avant le cinéma, j'ai commencé à regarder ce phénomène de plus près au théâtre, avec les comédiennes et comédiens au plateau. Ce qui m'émeut : J'aime voir et sentir comment deux corps (ou plusieurs !), tendus au ressort de leur désir retiennent, et tendent et retiennent et re-tendent encore cet élastique charnel... à n'en plus pouvoir. Regarder comme les corps frémissent et tremblent, suspendus, transis de désir. Et puis enfin, observer, d'un coup, en une expiration chaude, les deux corps qui lâchent, s'abandonnent. Et le ressort qui se détend, et les corps happés l'un vers l'autre, l'électricité du premier contact et la grande caresse des peaux qui se déplie.
Quelques temps plus tard, nous trouvons la forme qui nous excite : proposer à desparticuliers de réaliser leur propre sextape ! Le format est inédit et coche toutes nos cases. Plus encore, il rend possible cette idée belle à nos yeux : fabriquer des objets de cinéma qui s'échangent sous le manteau, hors des circuits de distribution et de diffusion classiques. En octobre 2022, en tournage à Los Angeles, nous rencontrons Léa et Julian qui acceptent de se prêter au jeu. Pour nous, c'est aussi une première. Il faut le temps de s'apprivoiser, cela demande un vrai temps de préparation technique et de mise en confiance. L'expérience fût précieuse et intense. Au visionnage, une chose nous touche particulièrement, le film ne relève pas d'une performance. C'est chaud et tout est à vue mais le moment baigne dans l'infinie tendresse de leur amour. C'est évident, ce n'est pas tout à fait une Sextape, c'est une Lovetape. Au mois juin dernier nous avons tourné notre deuxième Lovetape sous le soleil des calanques marseillaises.
Un reportage est à paraître bientôt dans le supplément Spécial Sexe des Inrocks !